Artiste plasticien - Artista plástico
DÉRIVES
L’œuvre d’Eric Collette est tout à fait surprenante, surtout depuis qu’il a choisi les mots comme matière première. L’idée lui est venue d’utiliser les écrits de Franz Kafka pour créer ses œuvres plastiques. Il n’en a d’ailleurs pas fait un simple instrument, ni même un point de départ, mais il les a choisi avec soin selon des grappes de sens. Ce n’est peut-être pas le sens qui est le plus évident au prime abord, mais la composition, ce qui semble s’imposer en toute logique dans une œuvre d’art. Mais il y joue un rôle déterminant.
Ensuite, si ses travaux peuvent rappeler des expériences de poésie visuelle, typographique, sonore, concrète, polysémique (etc.) qui ont été menées au XXe siècle depuis les futuristes, Apollinaire et les dadaïstes, il est évident qu’il s’en est distancié en partie parce qu’il tient d’abord à rendre hommage à l’auteur du Procès. Je pense que pour lui, cet hommage a du représenter un sérieux défi dans la constitution de séries de création sur papier.
Au début, il a privilégié le contraste du noir et blanc. Plus récemment, il a élargi le champ des possibles en ajoutant de la couleurs et en utilisant des pages colorées. Si bien que ce corpus, parti d’une idée assez simple qui l’avait conduit à faire danser les phrases sur la page, en les faisant s’entrecroiser et se contaminer les unes les autres sur la surface vierge, accentuant ou mettant en exergue des pensées particulièrement pertinentes à ses yeux de l’auteur pragois, n’a fait que proliférer en devenant toujours plus dense et complexe.
En somme, Eric Collette a tiré le meilleur parti qu’un peintre puisse tirer d’un prosateur en respectant l’esprit mais aussi et surtout en prenant le mot « à la lettre ».
Je suis persuadé qu’en une période où l’on va célébrer le centenaire de la disparation de Franz Kafka il y a un siècle, une œuvre comme la sienne peut et doit ouvrir des horizons nouveaux et enrichissants.
Gérard-Georges Lemaire
Commandeur dans l’ordre des Arts et Lettres